Discrimination linguistique et sociale

L’enjeu de cet ouvrage est de comprendre comment la réception et la sémiotisation de la variation linguistique résulte des – et nourrit les – processus de différenciation sociale en vigueur dans un contexte donné. Ainsi, au-delà de l’éventuelle présence des variables phoniques étudiées ici – dans la région aux multiples appartenances ethniques et linguistiques de la Caraïbe colombienne où a été menée l’étude, en l’occurrence –, l’autrice montre que ces variables sont très différemment discriminées – le terme discrimination devant être entendu dans son double sens de ‘distinction’ des variables, mais aussi de leur ‘traitement différencié, inégalitaire’, ainsi que de celles et ceux qui les pratiquent – dans la mesure où la réception des variables ne correspond pas à un décodage de « données phoniques » objectives, mais est le fruit d’une interprétation historiquement et socialement orientée et rationalisée a posteriori, notamment à travers des métatermes parfois porteurs de catégorisations stéréotypisantes, qui contribuent aussi en retour à la routiniser dans l’expérience et à faire prospérer ces discriminations dans le champ social. 

Cet ouvrage retrace les étapes successives de la démarche empirique de l’autrice, reflétant les questionnements, les hypothèses, et les évolutions au cours de l’analyse, selon une méthodologie inédite, qui combine les apports de la sociophonétique, de l’anthropologie sémiotique et de l’analyse du discours, mise au service d’une conception énactive du langage.